La Grande Guerre va entraîner la dislocation de l’Empire ottoman et l’émergence de la Turquie moderne. Un homme a marqué cette transition : Mustapha Kemal. En avril 1915, lorsque débute la campagne des Dardanelles, il commande la 19ème division d’infanterie turc qui défend le sud de la presqu’île. Retour sur le destin hors du commun de celui qui est entré dans l’Histoire comme le père des Turcs.
Un élève brillant
Né en 1881 à Thessalonique (Grèce actuelle), le jeune Mustapha suit les traces de son grand-père en embrassant la carrière des armes en 1893 lorsqu’il entre au collège puis au lycée militaire de Monastir. Brillant élève, un de ses professeurs le surnommera « Kemal » – parfait en Turc. C’est au cours de ses études qu’il achève avec succès (2ème de sa promotion) qu’il découvre les philosophes français du 18ème (et la langue française) dont il s’inspirera dans sa carrière politique. Logiquement, il intègre l’Ecole puis l’Académie militaire d’Istanbul d’où il sort avec son brevet de capitaine d’état-major en 1905.
« Patrie et liberté »
Avec d’autres jeunes officiers, il fonde le groupe révolutionnaire « Patrie et liberté » afin de renverser le Sultan jugé responsable de l’effondrement interne de l’Empire ottoman. Il reste pourtant à l’écart du mouvement de « Jeunes Turcs » d’Enver Pacha dont il juge les aspirations irréalisables. Il participe aux guerres balkaniques et constate l’impréparation de l’armée ottomane. Après la guerre il s’oppose à la « germanisation » de l’armée mise en œuvre par Enver Pacha. Sa francophilie dérange et il est envoyé à Sofia comme attaché militaire en 1913.
Les Dardanelles et la gloire
A l’entrée en guerre, il est affecté à la 19ème division de l’armée von Sanders (général allemand) dans la péninsule de Gallipoli. Cette unité composée de Turcs et d’Arabes va participer aux premières contre-attaques pour rejeter les Alliés à la mer. Kemal qui a servi dans ce secteur pendant les guerres balkaniques profite de son expérience pour mettre les Franco-Britanniques en grande difficulté. Pourtant, toutes ses tentatives ses soldent par des échecs sanglants. Seule satisfaction, la percée tant espérée par les Alliés n’aura pas lieu et ils sont contraints de rembarquer à la fin 1915.
Devenu héros national, « Sauveur des Dardanelles et de la capitale », il est néanmoins écarté du poste de ministre de la Défense parce qu’il a osé critiquer les choix militaires du triumvirat qui dirige l’Empire. Il est donc nommé en 1916 dans le Caucase où ses talents d’organisateur lui permettent de reprendre en mains le 16ème Corps d’Armée puis de la 2ème Armée.
Atteint du paludisme en 1917, il ne peut pas honorer sa nomination au sein de l’Asien-Korps de von Falkenhayn en Syrie. Il rejoint finalement le front à la tête de la 7ème Armée en août 1918 pour tenter d’endiguer l’offensive britannique et arabe sur la Palestine lancée le 19 septembre. Mais l’état des troupes ottomanes est déplorable tandis que les Alliés alignent des moyens largement supérieurs (notamment des chars anglais). Cloué au lit par des coliques néphrétiques, Mustapha Kemal ne peut exercer pleinement son commandement. Les Ottomans sont partout rejetés dans le plus grand désordre.
La fin de l’Empire
Tant bien que mal, sa 7ème Armée se replie sur Alep (Syrie) afin de bloquer les routes menant à l’Anatolie. Le 26 octobre, il s’illustre encore en dirigeant personnellement le feu de ses troupes contre deux régiments de cavalerie indienne. Mais le 30, il apprend la rage au cœur que le nouveau sultan Mehmed VI a signé le traité de Moudros mettant fin à la guerre mais aussi à l’Empire multiséculaire. L’heure de la politique va sonner pour le plus grand général de l’armée ottomane.
SYLVAIN FERREIRA
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