Depuis décembre 1915, Joffre a pris unilatéralement la décision de retirer l’ensemble des forces françaises encore présentes sur la presqu’île de Gallipoli. Fin décembre il reste plus que la brigade coloniale de Fourcade et l’artillerie du CED. Pendant plus d’une semaine, les dernières forces françaises vont rembarquer au nez et à la barbe des Ottomans sans être vraiment gênés.A partir du 29 décembre, l’artillerie est ramenée sur Sedd-ul-Bahr pour être rembarquée. Les canons sont camouflés pour éviter d’être repérées par les avions turcs. Le 30 le rembarquement commence. Les pièces sont alors bâchées pour ne pas renseigner l’ennemi. On rembarque également une centaine de tonnes de munitions. Le premier régiment de la brigade coloniale rembarque dans la nuit du 1er au 2 janvier 1916 tandis que partout l’on s’active pour détruire tout ce qui ne pourra pas être rembarqué. Les puits sont empoisonnés, les bêtes tuées. Le nombre limité de chalands à disposition est le seul facteur de ralentissement des opérations. Les tirs sporadiques des batteries ottomanes ne sont d’aucun effet. Le 3 janvier au matin, le général Brulard, l’état-major du CED quittent la presqu’île. Le lieutenant-colonel Brunet est le seul officier supérieur qui demeure au Cap Hellès. Il se place sous le commandement du 8ème corps britannique pour achever le rembarquement des derniers canons, des munitions et du matériel ainsi que la destruction des pièces d’artillerie demeurées sur place pour tirer jusqu’à la dernière heure.
Les opérations de rembarquement du matériel se poursuivent toutes les nuits dans un calme relatif. Dans la nuit du 3 au 4 janvier on évacue les voitures et des munitions. Les derniers stocks de munitions transportables sont évacués dans la nuit du 5 au 6. Le 7 janvier dans l’après-midi, les Ottomans lancent une ultime attaque comprenant que les Alliés sont sur le départ. Ils réussissent à prendre pied dans les premières lignes mais sont vivement contre-attaqués et finalement refoulés. La vigueur avec laquelle les Britanniques contre-attaquent instille le doute chez Liman von Sanders sur les intentions réelles des alliés, au point qu’il ne tentera pas de reprendre l’offensive les jours suivants. Brunet reçoit également un dernier message de Brulard qui l’informe que le rembarquement des forces alliées prendra fin dans la nuit du 8 au 9 janvier. Il reste encore plus de 16 000 soldats britanniques à évacuer à la date du 6. Il donne également l’ordre à Brunet de détruire les pièces de marine vouées à l’abandon, respectivement à 0h15 et 1h45 le 9 janvier. Au cours de la journée du 8, les dernières batteries de 75 et de 155 se replient à l’exception d’une pièce par batterie qui poursuit les tirs par salve de 4 coups très rapprochés pour tromper les Ottomans.
A la nuit tombée, les canons et les voitures se mettent en route pour Sedd-ul-Bahr dans un profond silence et sans confusion. Les Britanniques évacuent l’infanterie de la seconde ligne de défense. L’officier britannique en charge des destructions fait arroser de pétrole tout ce qui ne pourra pas être embarqué. Un dernier coup au but de l’artillerie ottomane à la hauteur du château de Sedd-ul-Bahr blesse le dernier soldat français de la campagne. A 22h45, une fois le transfert des pièces achevé, les derniers officiers rembarquent avec le lieutenant-colonel Brunet. Clin d’œil de l’Histoire, ils embarquent à bord d’un chaland remorqué par une chaloupe à vapeur du Bouvet ayant survécu au naufrage. Il ne reste qu’un petit détachement aux ordres du capitaine Juge et quelques artilleurs pour assurer la destruction des canons de marine avant 1h45. Entre 2 et 3 heures du matin, les dernières troupes britanniques quittent la plage tandis que Sedd-ul-Bahr et les plages V et W s’embrasent.
La campagne des Dardanelles s’achève enfin.
L’opération de rembarquement des forces alliées restera la seule vraie réussite de la campagne et en 1940, Churchill saura tirer profit de cette expérience pour organiser le rembarquement des troupes prisonnières dans la poche de Dunkerque. Mais cette réussite ne cache pas le cuisant échec allié que représente l’ensemble de cette terrible campagne dont nous vous présenterons un bilan dans notre prochain article.
SYLVAIN FERREIRA
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