Le contre-amiral Guépratte, « le mangeur de feu »

Rendu célèbre par la diatribe enflammée de Jean Gabin dans « Un singe en hiver », le contre-amiral Guépratte commande la division de complément de la 1ère division navale en Méditerranée au début de la Grande Guerre. Il est placé sous les ordres de l’amiral britannique Carden au moment où début le bombardement des défenses côtières le 19 février 1915.

Né le 30 août 1856 à Granville, Emile Guépratte est issu d’une famille de marins. Son père est capitaine de vaisseau, et ancien commandant de l’Ecole Navale, et son grand-père maternel n’est autre que le contre-amiral Jéhenne, marin brillant qui a servi tous les régimes politiques depuis 1812. Sa carrière dans la Royale était donc toute tracée. Il entre à l’Ecole Navale en 1871 et suit les cours de l’Ecole de défenses sous-marines. Il obtiendra ainsi son brevet de torpilleurs en 1884.

Dès 1881, il fait à la campagne de Tunisie à bord du cuirassé Marengo et participe au bombardement de Sfax ainsi qu’à la prise de Gabès. Ce sont les seuls combats importants auxquels il participe avant les Dardanelles.

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Le Marengo

En 1883, il est promu lieutenant de vaisseau. Il prend son premier commandant sur le contre-torpilleur 23 en 1889. En 1893 part au Siam (actuelle Thaïlande) où il est sur la Caronade au sein de la division navale d’Indochine qu’il commande. A son retour en France, il est affecté aux défenses sous-marines comme sous-directeur et en 1897 il est promu Capitaine de frégate. Il découvre pour la première fois les Dardanelles en 1901 lorsqu’il est embarqué sur le contre-torpilleur Vautour jusqu’à ce qu’il retourne à Brest en mai 1902 pour occuper le poste de chef de la deuxième section de l’état-major de l’arrondissement maritime. En février 1904, il est promu au grade de Capitaine de vaisseau. Il commande le Foudre et transporte de deux sous-marins et quatre petits torpilleurs de Cherbourg jusqu’à Saïgon. A son retour en 1905, il est affecté à l’escadre de la Méditerranée sur la Marseillaise puis la Jeanne d’Arc. En 1908, âgé de 52 ans, il est de nouveau affecté à terre à Brest où il dirige le 2ème dépôt des équipages.

En 1912, suivant logiquement les promotions internes, il devient contre-amiral. C’est à ce titre qu’il est envoyé en Méditerranée à la fin de l’année 1914 à la tête de la division navale de complément.

Il participe à ce titre à différentes missions de protection de convois en Méditerranée avant de se placer sous les ordres de Carden lorsque la décision d’attaquer les Dardanelles est prise. Au début de la guerre, les Français avaient obtenu la direction des opérations des deux marines en Méditerranée, mais l’initiative d’attaquer les Détroits venant de Churchill, Guépratte et ses navires se placeront finalement sous commandement britannique. Il choisit le Suffren comme navire amiral.

Le Suffren

Le Suffren

Considéré comme une tête brûlée, les Britanniques le surnomment alors le « Fire-eater« , le mangeur de feu. Sa fougue inconsidérée dans la gestion opérationnelle des bombardements et surtout de la tentative ratée de forcement des Détroits le 18 mars sera une des causes principales de la perte du cuirassé Bouvet (nous reviendrons en détail sur la tentative de forcement le 18 mars prochain). Malgré cela, il reste à son poste jusqu’en octobre 1915 et participe donc activement aux débarquements du 25 avril. Churchill, qui n’a rien compris des difficultés rencontrées sur le terrain, lui écrira pour le féliciter pour son comportement : « Pour votre part vous avez fait à une opération de guerre, qui aurait changé la face du monde si, elle avait été menée avec une résolution égale à la vôtre. »

Guépratte en haut à gauche observant le débarquement du 25 avril.

Guépratte en haut à gauche observant le débarquement du 25 avril.

Malgré sa réputation et le retrait de son commandement, il fait contre-amiral et commandeur de la Légion d’Honneur. Pour terminer sa carrière, il est nommé à Bizerte en Tunisie comme Préfet Maritime.

A la fin de sa vie en grande tenue de contre-amiral avec toutes ses décorations

A la fin de sa vie en grande tenue de contre-amiral avec toutes ses décorations

Il quittera le service actif avant la fin de la guerre en août 1918 et entamera une carrière politique comme député de la gauche républicaine. Après sa mort le 29 novembre 1939, il est inhumé aux Invalides dans le caveau des gouverneurs.

SYLVAIN FERREIRA