18 mars 1915 : « La tragédie du Bouvet »

Suite aux opérations de bombardement du mois de février, Winston Churchill réussit à convaincre son gouvernement qu’un forcement du Détroit est possible pour la Navy avec le soutien de l’escadre française de Guépratte. Le 18 mars 1915, les navires alliés sont prêts pour la bataille.

Après la destruction des forts gardant l’entrée du détroit, la flotte franco-britannique, aux ordres de l’amiral John De Robeck, pénètre en force le 18 mars dans les Dardanelles en trois vagues successives. A 10h45, la première, composée des navires Queen Elizabeth, AgamemnonLord Nelson et Inflexible se déploie en ligne en travers du chenal et bombarde les défenses du secteur de Tchanack. Le Triumph et le Prince of George les encadrent afin de les couvrir du feu des batteries déployées sur les rives.

Le Bouvet illustrated london news 27 mars 1915

Le Bouvet

A 11h50, la deuxième, comprenant les cuirassés français Bouvet, Suffren, Charlemagne et le Gaulois s’élance en avant du dispositif tirant de toutes leurs pièces sur les défenses turques. La troisième reste en attente afin de remplacer le Triumph, le Prince of George ainsi que les quatre navires français. Durant presque deux heures ces derniers se relaient en première ligne, le Suffren alternant avec le Bouvet, le Gaulois avec le Charlemagne.

Dardanelles plan des ops 13h00

A 13h, le Bouvet remplaçant le Suffren est pris sous le feu des batteries de Dardanos, Medjidieh et Souan-dere. Après six tirs, la tourelle avant de 305 ne tonne plus. Les servants, asphyxiés suite à la panne du système d’évacuation des gaz de tir, sont évacués sur le pont. Deux tourelles tribord sont mises hors de combat et plusieurs incendies se déclarent, cinq coups ont  atteint le navire.

suffren (1)

Le Suffren, navire portant la marque de l’Amiral Guépratte

A 13h10, Le Bouvet cède la place au Suffren qui encaisse alors quatorze coups lui causant de sérieuses avaries et le contraignant à une nouvelle rotation avec le Bouvet. Il est 13h37, l’ordre est donné aux Français de céder la place à la troisième vague. Le Bouvet tarde à abandonner le combat ignorant l’ordre de repli. Le Suffren, avec l’amiral Guépratte à son bord, est obligé de faire demi-tour afin de rappeler à l’ordre le commandant Rageot de la Touche qui finit par obtempérer.

Dardanelles plan des ops 13h58

Le navire prend la direction de la sortie du détroit tout en continuant à canonner les rives, lorsque brutalement, à 13h58, une violente explosion sous une tourelle tribord fait tressaillir le cuirassé. L’eau s’engouffre dans les flancs du géant qui vient de percuter une des mines posées dans la nuit du 8 mars, à l’insu des Alliés, par un mouilleur de mines turc.

Bouvet dessin 1 illustrated london news 17 avril 1915 LR

Le Bouvet est touché par une mine sous-marine (extrait de l’Illustrated London News).

Le Bouvet  s’incline, chavire rapidement à tribord, se couche, se retourne, puis dans une dernière supplique, se redresse vers le ciel.

Bouvet dessin 3 illustrated london news 17 avril 1915LR

Le Bouvet chavire (extrait de l’Illustrated London News).

En moins d’une minute, le navire disparait, 643(1) marins périssent emprisonnés dans les entrailles du monstre d’acier qui s’enfonce sous les flots. Le commandant, refusant d’évacuer son bord disparait avec le navire.

YANNICK MARQUES

(1) A ce chiffre il faut rajouter 5 des 75 rescapés du naufrage qui périront des suite de leurs blessures, soit un total de 648 victimes.