Après avoir subi de furieuses attaques ottomanes au début de la nuit, les Coloniaux n’ont pas fermé l’œil de la nuit et à 2h30 du matin, ils ont encore subi de violents assauts de l’infanterie turque. A l’aube, les Ottomans, toujours soutenus par leur artillerie, repartent à l’assaut des positions du 6ème Régiment Mixte Colonial. La matinée s’annonce terrible. Heureusement que les mitrailleuses françaises sont en place.
Voilà le récit de ce début de journée par le J.M.O (Journal de Marche et d’Opérations) : « La dernière (NDLA : attaque), menée avec une énergie particulière sur la droite de notre ligne, où on n’a pas pu garnir le front de réseaux Brun (NDLA : barbelés), arrive au contact, mais n’en est pas moins repoussé sans difficultés. La section de mitrailleuses du bataillon Chabbert et la section de mitrailleuses de la cavalerie mise à disposition de ce bataillon, coopèrent très efficacement à rejeter l’assaut. Au lever du soleil, on constate que devant toute notre position les cadavres turcs jonchent le sol sur une profondeur variant de 100 à 400 mètres. » Les troupes françaises ont tiré plus d’un MILLION de cartouches pour repousser les contre-attaques ottomanes depuis la veille au soir. Les pertes turques se comptent par centaines.
Les Français ont prévu d’attaquer de nouveau le cimetière pour en déloger les défenseurs, mais l’action est retardée à cause du retard pris par le « Latouche-Tréville » qui doit bombarder les positions turques sur la rive droite du Mendéré Chaï.
Mais à 7 heures du matin, les Coloniaux sont surpris par l’attitude des Turcs qui tiennent le cimetière. Voici ce que nous rapporte le J.M.O : « l’ennemi occupant le cimetière manifeste l’intention de se rendre en agitant des fanions et des mouchoirs blancs, mais comme il ne dépose pas les armes, nos troupes continuent à tirer. Peu après, un groupe de 50 à 60 Turcs, jetant ses fusils, s’approche des tranchées en suppliant. On cesse le feu et on amène ces hommes dans nos lignes. Bientôt d’autres groupes, portant également des drapeaux blancs se portent au-devant de notre front en faisant des gestes indiquant qu’ils ne nous veulent pas de mal ; aussi les compagnies françaises reprennent leur tir ; quelques soldats ottomans ripostent, mais leurs officiers les obligent à s’arrêter et font sonner « cessez le feu » à plusieurs reprises. L’ordre est alors donné de suspendre le tir, l’ennemi approche et se mêle à nos hommes. De nombreux Turcs sont désarmés sans résistance et conduits à l’arrière. D’autres refusent de déposer leur fusil. A ce moment, voyant les interprètes forts inférieurs à leur tâche et croyant que c’est l’appréhension du traitement qui les attend qui est cause de cette hésitation de la part des Turcs, le Capitaine Roeckel entre sans arme dans le groupe ennemi et demande à parler à l’officier le plus élevé en grade. Il est conduit, ainsi que le soldat Langlois qui l’accompagne au cimetière, c’est deux militaires n’ont pas reparu. Il est 7h30.
A ce moment, le général commandant le C.E.O débarque (NDLA : général d’Amade) et, sur le compte-rendu qui lui est fait de la situation, donne l’ordre de reprendre le combat. Il se produit une certaine confusion à la faveur de laquelle une fraction ennemie s’empare de deux mitrailleuses et regagne le cimetière ; une autre fraction s’engage dans le village et se barricade dans les maisons ; le reste se rend. Il faut d’abord nettoyer la partie de la localité de Kum Kalé où a pénétré l’ennemi. Grâce au tir des pièces et au feu des compagnies qui les encerclent les Turcs sont bientôt anéantis, non sans avoir causé de nouvelles pertes.
Le capitaine Ferrero, du génie, qui a reçu l’ordre de compléter avec ses hommes l’investissement du quartier occupé par l’ennemi est tué à bout portant en reconnaissant le terrain. Le lieutenant Lefort et 8 sapeurs, mêlés aux fantassins ennemis n’ont plus été revus.
Une action à la baïonnette achève de nettoyer le village ; 60 Turcs, dont un officier, se rendent. Ce dernier avec 8 hommes sont passés immédiatement par les armes. Un effort surhumain est tenté pour reprendre les mitrailleuses du troisième bataillon, mais il échoue devant le feu croisé des tirailleurs abrités derrière les murs du cimetière et des jardins. »
La ruse employée par les Turcs, contraire aux règles de la guerre, pour tenter d’infiltrer les défenses françaises marquera les esprits. Elle explique l’exécution immédiate du seul officier turc capturé, jugé responsable de cette action contraire à l’honneur militaire. Soulignons également que l’apparition du général d’Amade qui, comme un simple colonel, reprend la situation en main personnellement et organise la contre-attaque française.
SYLVAIN FERREIRA
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